Est-ce qu’on peut apprendre à prendre une décision ?
Que se passe-t-il quand nous devons faire un choix ? Pourquoi avons-nous parfois du mal ? Pourquoi est-ce que cela peut devenir fatigant ?
Dans la vie quotidienne ou bien lorsqu’il s’agit d’études, comment peut-on s’entrainer à choisir ? Comment ?
Stocker des pâtes ou pas ? Choisir la spécialité NSI ou Physique-chimie ?
Dernière situation vécue : est-ce que je fais un petit stock de nourriture, au vu des informations que j’entends sur une possible forte inflation ? Ou bien je n’en fais pas, car c’est justement ce genre de comportement qui crée des pénuries ?
Je constate cette difficulté à choisir quand je coache un jeune et que je vois qu’il ou elle a du mal à se décider : je prends la spécialité Physique-Chimie en 1ère ou bien la spécialité NSI (numérique et sciences informatiques) ?
On peut apprendre à décider, et je vais vous livrer quelques pistes sur ce sujet, dont j’espère qu’elles vous aideront et qu’elles aideront vos enfants !
Ne pas décider, c’est déjà décider
Déjà, il faut avoir en tête que ne pas décider, c’est déjà prendre une décision.
Je me souviens d’avoir été à une époque dans l’équipe d’un piètre manager. Il tardait tellement à prendre une décision qu’au bout de quelque temps, le choix n’était plus possible et une solution s’imposait d’elle-même. Il annonçait alors, en prenant un air important, qu’il avait décidé de choisir cette solution… Tout se passait donc comme s’il avait pris une décision, sauf que le temps avait passé et certaines choses qui n’étaient pas urgentes l’étaient devenues, que cela avait créé d’autres difficultés, et qu’il y avait maintenant de nouvelles décisions à prendre…
Une piste consiste donc à se demander : qu’est-ce qui va se passer si je ne décide rien ?
Situation classique : à force d’hésiter entre deux films à la séance de 20h au ciné, l’heure tourne et on ne va finalement pas aller au cinéma car il est trop tard. Tout se passe comme si on avait décidé… de ne pas aller au cinéma !
L'âne de Buridan
Une parabole peut nous aider : celle de l’âne de Buridan.
De quoi s’agit-il ? Buridan était un philosophe qui vécut au XIVème siècle, et qui racontait l’histoire suivante. Un âne se trouvait dans son écurie, à égale distance d’un seau d’eau et d’un seau d’avoine. Faute de pouvoir choisir entre les deux, faute de décider s’il allait commencer par boire ou manger, l’âne est mort de faim…
(ce n’est pas l’âne de Buridan mais j’adore sa bonne bouille !)
Dans la réalité, cette situation n’arrive jamais : un âne, comme un Homme, finit par faire un choix. Pourquoi ? Parce que l’âne, comme l’Homme, n’est jamais complètement objectif, comme s’il était exactement à la même « distance » de deux choix qui seraient parfaitement équivalents. C’est donc notre subjectivité qui nous permet de choisir. On comprend alors qu’une solution consiste à se demander ce qui est vraiment important pour nous.
Je reprends mon exemple du cinéma.
On peut analyser la situation :
– quel film finit le plus tard (si on veut se coucher tôt)
– quel film risque de ne plus être programmé la semaine prochaine (si on veut absolument les voir tous les deux)
– quel film va nous faire rire (si on n’a pas trop le moral en ce moment)
– etc.
Je trouve que dans ces ces situations, il ne faut pas hésiter à s’en remettre au hasard : vu l’enjeu, tirer à pile ou face n’est pas idiot ! C’est reposant. Et ça fait du bien.
Choisir peut devenir épuisant
J’en viens alors au point suivant : choisir, examiner les différentes options, réfléchir aux conséquences, … peut vite devenir épuisant.
D’ailleurs on le constate : se demander pendant un quart d’heure quel film on va aller voir, c’est super énervant ! C’est un gros effort cognitif, même pour un enjeu aussi mineur. Je vous laisse imaginer ce qui se passe quand il faut choisir ses vœux dans Parcoursup, décider si on continue la danse en 1ère et tenter de la concilier avec les cours dans un emploi du temps serré, décider si on fait un Bac pro ou si on continue dans la voie générale,…
S’entraîner à choisir
Comment faire pour aider ? Je crois que la prise de décision, comme le reste, peut s’entraîner.
Vous connaissez sans doute cette astuce à utiliser quand un jeune enfant ne veut pas s’habiller : au lieu de lui dire « allez, enfile ton pantalon », il s’agit de lui dire « tu veux enfiler ton pantalon d’abord, ou bien ton t-shirt ? ». La façon dont la question est posée fait qu’il ne peut pas répondre « Non ». Vous savez, avec un air buté et les bras croisés ? Quand il est 8h20 et qu’on va vraiment être en retard ?
En lui donnant un pouvoir de décision, on le rend acteur, on encourage son autonomie… et on atteint l’objectif, qui est qu’il s’habille. Après tout on s’en fiche qu’il mette son pantalon ou son t-shirt en premier. Cette astuce est donc doublement intéressante !
Quand ils grandissent, on peut continuer à les placer ainsi dans des situations de prise de décision. Cela peut être une situation toute simple : se préparer à manger sans qu’un parent ait laissé des consignes sur la table de la cuisine. Et si au lieu de lui faire un radioguidage depuis le téléphone (tu prends les pâtes dans le placard en bas à gauche, tu prends la grande casserole, il faut saler l’eau,..), on le laissait se dépatouiller ? Il va bien être obligé de décider comment faire s’il ne veut pas mourir de faim !
Le soir venu, on passe sur le fait qu’il a cuit trop de pâtes ou que cela aurait été pas mal de manger un fruit comme dessert au lieu d’un paquet de cookies, et on le félicite ! Un point de plus pour son autonomie, pour sa capacité à prendre des décisions,…
Écrire cette lettre me rappelle une histoire vécue, celle d’une jeune fille qui gardait un bébé à la maison pendant que les parents étaient sortis. La petite a commencé à avoir de la fièvre, puis fait des convulsions. A l’époque il n’y avait pas de téléphone portable pour joindre les parents. Que faire ? Cette jeune fille a pris le bébé dans ses bras, et a foncé chez la voisine, une dame plus âgée dont elle s’est dit qu’elle saurait quoi faire. La dame a immédiatement rafraîchi le bébé en le déshabillant et lui faisant prendre un bain à 37°, puis a appelé le 15. Je ne sais pas ce qu’est devenu cette jeune fille, mais je suis bien certaine qu’elle se souvient de cette soirée. Elle a dû avoir le sentiment d’avoir su gérer en prenant une bonne décision, ce que les parents lui ont confirmé quand ils sont rentrés.
La leçon que j’en tire, c’est qu’un job aussi simple à trouver que du baby-sitting est une opportunité pour nos jeunes : l’argent de poche qu’ils vont gagner n’est rien à côté de l’expérience et de la confiance en eux que cela leur apporte !
Et vous, comment faites-vous dans une situation de prise de décision ? Quelles situations avez-vous vécues qui vous ont entraîné.e à faire des choix ?