Il m’arrive de temps en temps d’entendre des adolescents me dire que l’Histoire ne les intéresse pas. Cette matière tient pourtant une bonne place dans les programmes au collège et au lycée. Elle est synonyme d’ennui : ils ne voient pas l’intérêt d’étudier des choses qui se sont passées il y a très longtemps. Pour eux, étudier l’Histoire n’a pas de sens. Comment faire pour les y intéresser ?
Je me souvient avoir vécu cela aussi : dès le collège, je n’apprenais les cours d’Histoire et de géographie que parce que j’étais sérieuse, alors que cela ne m’intéressait pas du tout.
Une découverte qui change tout…
Ce n’est que bien plus tard qu’un jour, au hasard d’une conversation, que mon père m’a raconté comment sa mère, maîtresse d’école, avait dû abandonner sa salle de classe, réquisitionnée par l’armée allemande qui occupait son village pendant la 2ème guerre mondiale. La salle de classe installée dans la mairie dans laquelle elle faisait cours à ses élèves allait devenir un bureau pour la Kommandantur locale. Il me raconta l’irruption du soldat en uniforme dans la classe, ses ordres secs, et comment il avait dû rapidement, avec ses camarades et sa mère, déménager les pupitres, les chaises, les encriers, les livres et les cahiers… dans une grange un peu plus loin. Avant de re-déménager quelques jours plus tard dans une grande pièce vide au dessus de la boulangerie locale. Je me souviens que j’en étais restée coite ! D’un coup, l’Histoire ne m’apparaissait plus comme quelque chose de poussiéreux totalement déconnecté de la réalité, mais bien comme faisant partie de la vie, et concernant MA famille. Ma grand-mère, que j’avais toujours connue âgée, avait vécu la guerre, subi très concrètement l’occupation en étant expulsée de sa salle de classe. Elle avait vécu « pour de vrai » des évènements qui jusque-là me paraissaient très lointains et déconnectés de la réalité que je vivais. Le mot « Occupation » a pris soudain du sens. J’ai ressenti une impression de fil ininterrompu, qui m’a donné d’un coup une envie, ou plutôt une raison, de m’y intéresser.
Faire des liens avec le présent
Face à un jeune qui a bien du mal à s’intéresser à la vie de Jules César ou aux guerres de religion, il est utile de commencer par remonter un peu le temps à partir d’aujourd’hui. Qui était président quand il est né ? Quand ses parents sont nés ? Et quand Grand-Mère est née ? Quand a été créée la Vème République, quel âge avait Grand-Père ? Si on remonte dans le temps, jusqu’à quel ancêtre faut-il remonter pour trouver un aïeul qui a fait la guerre de 14 ? Et celle de 1870 ? Progressivement, on remonte le temps avec lui, pour qu’il prenne conscience que le présent n’est jamais que de l’Histoire en train de s’écrire, ou du passé en préparation. Qu’est-ce que ses enfants pourront dire dans 50 ans ?
Faire le lien avec des personnes et avec des évènements connus d’un enfant lui permet de prendre conscience que l’Histoire, avec un grand H, est quelque chose qui a commencé il y a bien longtemps et ne s’est jamais arrêté.
Un entraînement nécessaire
Cette juxtaposition ou ce déroulement du temps sont intéressantes à manipuler mentalement. En effet, on ne peut pas dessiner le temps mais seulement le symboliser : en dessinant une pendule, en schématisant une frise chronologique, en faisant une flèche entre deux dessins… Il est donc indispensable de pouvoir le penser. Cette représentation mentale est propre à chacun de nous, et il est nécessaire de savoir s’en servir pour donner du sens à un cours d’Histoire…ou à tout exercice qui nécessite de comprendre un déroulement d’actions sur une certaine durée. Et cela s’acquiert avec de l’entraînement ! Toutes les fois où on demande à un jeune de se rappeler d’un évènement, puis d’un autre qui a eu lieu avant, après ou en même temps, en lui laissant le temps de se l’imaginer, on entraîne sa faculté à se représenter le temps. Un exemple : on demande à un enfant de se rappeler quand il est rentré au CP, puis quand sa petite soeur est née, puis la fois où on a visité le zoo de Beauval en famille… Et on lui fait réfléchir sur la chronologie, pour l’entraîner à « jongler » avec les dates.
(photo Mr Cup/Fabien Barral – Unsplash)